16 juillet 2007

Ciao ciao les Alpes !

Le vent frais me donne la chair de poule. Une marmotte crie. Les montagnes, imperturbables géants de roche claire, écrasent l'homme et le ramènent à sa juste dimension, c'est à dire pas grand chose. La route du col de l'Iseran, abîmée, s'élève sans parapet.

Le vide oppresse et opprime. L'air se raréfie : il suffit de boire une gorgée du bidon pour haleter la minute suivante. Mon coeur bat à 160 pulsations, mes jambes tournent 80 fois par minute et mon cerveau rumine la devise de l'Autre Tour : "Je pédale aujourd'hui, donc je pense à demain".

Gérer, contrôler, ne jamais exagérer. Une étape la tête égarée dans les cimes, deux passages enivrants au-dessus de 2600 mètres, on se croirait au Pérou ou dans le Colorado. Fabio (qui pèse 7 kilos de plus que moi) m'entraîne dans les descentes, je le guide dans les montées, notre harmonie est parfaite, la loi de la gravité lisse les différences.

On a avalé le col du Télégraphe d'une bouchée comme un panino à la mozzarelle, puis le Galibier s'est brusquement dressé, majestueux et imposant comme une muraille plaquée sur l'horizon. Il est sec et pelé, solitaire.

Des groupes de cyclotouristes montent lentement, en se déhanchant, leur visage déformé par la douleur aurait pu être peint par Edvard Munch. Odeur de barbecue et de saucisses grillées. Le public du Tour attend une bière à la main. Les camping-car rigoureusement blancs sont alignés au bord du précipice comme des dominos. On parle surtout allemand et néerlandais mais les premiers encouragements en espagnol ("Aupa !") annoncent l'imminence de la Méditerranée.

La route s'enroule comme la coquille d'un escargot dans le dernier kilomètre. Au sommet du Galibier, j'ai tapé dans la main de Fabio qui hurlait aux quatre vents : "Ciao ciao les Alpes !".

J'ai pu écrire ces quelques lignes, en cuissard et le front encore transpirant, dans notre caravane pendant le transfert vers Tallard.

Ma soirée devrait être enfin calme, à moins qu'un inspecteur de l'Agence Française de Lutte contre le dopage ne frappe encore à la porte de ma chambre pour un test inopiné. Dimanche soir, j'ai été contrôlé pour la 4e fois depuis le départ de Londres.