19 juillet 2007

La sauna dans la savane

Mon corps se transforme. Mon buste s'amaigrit. C'est déjà la deuxième fois que je dois resserrer la ceinture qui prend ma fréquence cardiaque.

Mes jambes, elles, laissent désormais apparaître par transparence de grosses veines bleutées sur la face interne des cuisses. "T'inquiète pas, ton organisme cherche seulement à irriguer davantage tes muscles", m'a rassuré Dorian, notre docteur.

Tel un vieux soldat, je panse mes plaies après les étapes : de la crème lénitive sur le haut du bras droit sérieusement brûlé, une pommade dermo-protectrice sur le périnée pour éviter l'apparition de champignons (on macère 6 à 7 heures par jour sur le fond du cuissard en polypropylène) et un baume apaisant sur les pieds rongés par le frottement contre le cuir des chaussures.

De Montpellier à Castres, on a roulé dans le Sud-Ouest où les "r" des habitants roulent allègrement eux aussi. Une terre de rugby, de filatures à l'abandon et de vignes qui réjouissent le coeur de l'homme.

Parfois, la nature sauvage et hirsute de ce coin de France inhabité ressemble à à la savane : on s'attend à voir dépasser d'un buisson d'épines le cou d'une girafe d'un moment à l'autre. La chaleur est devenue lourde, presque moite.

Heureusement, le col de la Jeante, classé en 2ème catégorie, propose une expérience intéressante : une séance de sauna finlandais sur vélo. On transpire comme un boeuf pendant les dix kilomètres de montée écrasés de soleil puis la descente vous plonge dans l'ombre froide d'un bois de hêtres et de hauts sapins où l'odeur de résine vous débouche les naseaux avec la vigueur d'une huile essentielle ! Fantastique.

Le contre-la-montre d'Albi arrive à l'heure. Nous ne l'aborderons pas avec la fougue d'un leader mais avec le calme séraphique d'un équipier qui doit seulement s'acquitter d'un devoir. L'Autre Tour compte les minutes et les heures par poignées et néglige les secondes, une mesure qui n'appartient qu'aux champions.

Ce sera pour nous comme une brise avant la tempête, la terrible bataille des Pyrénées qui nous attend. J'y aurai un seul adversaire, capable de tout : mon corps.