La pluie ruisselle sur la vitre du petit restaurant où je cherche à oublier ma nausée. Je me sens las et triste. Je n'ai toujours pas récupéré de l'étape de la veille. Le transfert de Loudenvielle à Pau a été long et pénible.
Dimanche, nous avons dîné à l'heure espagnole, à minuit, et je n'ai posé la joue sur un oreiller qu'à deux heures, sans avoir été massé. A huit heures précises, une laborantine m'a tiré de mon profond sommeil pour un prélèvement sanguin dans le cadre du suivi hormonal mis en place par le service de médecine du sport de Toulouse. Ensuite, comme chaque matin depuis 18 jours, Dorian Lecamp, le docteur qui nous accompagne, m'a percé le bout de l'index avec une aiguille pour en faire gicler une goutte de sang pour mesurer hématocrite et hémoglobine.
Pesée. Pression. Plis cutanés. Questionnaires à gogo sur mon état de fatigue et mon psychisme meurtri. Dorian me suit comme une ombre, du petit déjeuner au dîner, avec une balance à la main pour évaluer mes apports caloriques. Il pèse tout : 45 grammes de pain, 20 de confiture, 250 grammes de purée. Même une rondelle de citron ne lui échappe pas.
Je me sens faible. Pas de forces. Je n'ai pas eu le courage d'aller rouler deux heures comme l'exige la tradition cycliste afin d'éviter le célèbre coup de bambou du lendemain. L'effort extrême déforme vos certitudes et altère vos convictions. Je n'écoute plus que mon corps qui me murmure par d'infimes vibrations ce dont il a besoin : une grande louche de repos, rien d'autre.
Les manuels sportifs préconisent souvent des comportements inapplicables une fois en situation. Un exemple : la diététique conseille des barres avec protéines, des gels sucrés, des poudres de récupération alors que votre estomac, ballotté sept heures durant, vous réclame ce qui le fait saliver à ce moment précis et ce qu'il est vraiment capable d'absorber.
Au sommet du col de Peyresourde j'avais faim de saucisson et soif de bière ! Lundi midi, je n'ai donc eu aucun scrupule à déguster un steak-frites arrosé de ketchup. L'instinct prévaut sur tout. La théorie ne remplacera jamais la pratique.